mardi 3 juin 2008

Interview : Pourquoi Yannick Favennec milite pour l'enfouissement de la ligne THT Cotentin-Maine

Yannick Favennec répond aux trois questions de la journaliste Philippine Lepercq.

P.L : Monsieur le député, alors que l'enquête d'utilité publique pour la ligne à très haute tension va s'ouvrir en septembre sur un projet de ligne aérienne, vous avez décidé de vous mobiliser en faveur d'un enfouissement de cette ligne. Pourquoi ?

Y.F : Ce n'est pas parce que l'enquête d'utilité publique démarre que nous ne pouvons plus influer sur les modalités de transports de l'électricité. Si je milite, aujourd'hui, pour l'enfouissement, c'est parce que Jean-Louis Borloo vient de décider d'enfouir la ligne  THT qui va relier la France à l'Espagne. En apprenant cette décision, j'ai estimé que nous avions droit au même traitement et que la ligne Cotentin-Maine devait bénéficier de la même méthodologie : étude indépendante, concertation, réunion de travail avec le ministre, RTE (réseau transport d'électricité) et tous les acteurs concernés, respect des territoires et de ceux qui y vivent... J'ai donc interpellé Jean-Louis Borloo qui  a accédé à ma demande.

P.L : Au-delà de votre souhait de mobiliser et fédérer massivement les élus, les associations et la population, pourquoi avoir décidé de créer un collectif ? 
 
Y.F : Pour lever un certain nombre de contrevérités. Aujourd'hui, on nous dit "on ne sait pas enfouir", c'est faux ! La France est leader dans ce domaine, nous exportons notre savoir-faire en Europe et aux Etats-Unis (photo : Galerie pour une liaison souterraine 400 000 v à Madrid).
On nous dit, également, "les coûts sont prohibitifs", c'est faux ! En 2001, ils étaient 12 fois plus chers que l'aérien, aujourd'hui, ils sont entre quatre à six fois plus chers, et peuvent encore diminuer si on passe au stade de la commande industrielle. Plus on fera de câbles souterrains et moins cela coûtera cher. On retrouve la même différence qu'entre le coût d'un prototype de course et celui d'une voiture de grande série. De plus, les lignes souterraines sont moins soumises aux aléas climatiques (la tempête de 1999 a coûté 35 milliards de francs à EDF). Enfin, le coût de la maintenance est moins élevé que pour une ligne aérienne.
Un troisième argument généralement avancé consiste à dire que "c'est un luxe qui n'apportera rien", c'est faux ! L'enfouissement limite les champs électromagnétiques, protège nos paysages, notre patrimoine, notre activité économique et autorise, en matière d'agriculture, les prairies, l'élevage et la culture de céréales. La contre-indication principale est de ne pas creuser à plus de 70 cm, ce qui exclut la construction de bâtiments agricoles, ou la plantation d'arbres.
RTE affirme aussi que "l'emprise au sol pourrait atteindre les 70 m de largeur tout le long de la ligne", c'est faux ! Avec les technologies actuelles, on sait qu'elle ne dépasse pas les 10 m.

P.L : Comment vont s'organiser votre mobilisation et votre résistance ?
Y.F : Il y a d'abord la création d'un collectif regroupant des élus, des associations et des citoyens. Il est important que face à RTE et au gouvernement, nous affichions clairement notre cohésion et notre détermination si vous voulons obtenir gain de cause. Même si nous pouvons avoir une approche initiale différente du sujet (EPR, passage de la ligne à très haute tension...), nous devons nous entendre sur l'essentiel.
Parallèlement nous lançons une pétition en faveur de l'enfouissement de la ligne, par portions, dans les zones sensibles. Il paraît, en effet, difficile d'obtenir l'enfouissement des 160 km, même si techniquement cela est réalisable, car il faut assurer la stabilité du réseau et sur une si longue distance cela paraît compliqué.
Puis, fin juin, début juillet, la secrétaire d'Etat, chargée de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet se rendra dans le Nord-Mayenne et dans le Sud-Manche. A cette occasion nous organiserons une réunion de travail avec le collectif.
Début septembre, il faudra massivement participer à l'enquête d'utilité publique.
Nous devrons, également, prévoir une grande manifestation avec les collectifs des autres départements concernés. Dans les Pyrénées orientales, ils étaient 18 000 manifestants, il y a deux mois.
Je vais, aussi, déposer une proposition de loi visant à instaurer un seuil minimal d'enfouissement pour toutes les lignes à très haute tension. cela se fait déjà pour les lignes à haute tension ce qui a conduit à une baisse importante des coûts.
Avec mon collègue de la Manche, nous allons, de plus, demander à la ministre de la Santé une étude indépendante, sur un cas précis, concernant l'impact sanitaire des champs électromagnétiques pour les lignes aériennes et souterraines.
Vous le voyez, avec mes collègues élus, nous sommes déterminés à agir à tous les niveaux pour préserver notre territoire et ceux qui y vivent.