jeudi 16 avril 2015

Loi antiterroriste : Yannick Favennec réclame plus de garanties contre les risques d'abus

"La cybersurveillance des citoyens est une pratique habituelle et réciproque des Etats. Elle n’est ni nouvelle, ni une exclusivité des Etats-Unis (Patriot Act).

L’interception, la collecte et le traitement de données, ainsi que les écoutes téléphoniques sont pourtant des atteintes graves aux libertés individuelles des citoyens qui vont à l’encontre des principes garantis dans toute société démocratique.

Paradoxalement, bien que cette pratique de surveillance secrète soit répandue, de nombreux Etats ont adopté des législations protectrices des données personnelles, comme c’est le cas en France avec la loi informatique, fichiers et libertés du 6 janvier 1978.

Cette protection des données personnelles est de plus complétée par le secret des correspondances électroniques. Celui-ci est reconnu par de nombreux textes nationaux et internationaux tels que les articles 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950, l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, et par l’article 37 de la Constitution de l’Union Internationale des télécommunications de 1992.

En France, le secret des correspondances est assuré l’article 226-1 du Code Pénal protège la vie privée des citoyens et qui « puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui ».

De plus, l'article L.241-1 du code la sécurité intérieure dispose que « le secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques est garanti par la loi ».

Notre pays a donc un arsenal juridique destiné à protéger ces libertés fondamentales.

C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas anéantir toutes ces garanties par une loi liberticide, même si elle est une nécessité d'intérêt public.

Aussi, si je peux comprendre que la lutte contre le terrorisme justifie certaines atteintes aux libertés individuelles, aux principes fondamentaux que sont la liberté de correspondance, le secret des correspondances, le respect de la vie  privée, je ne peux accepter que ces restrictions soient disproportionnées et que la loi que nous discutons en ce moment n’offre pas de garanties suffisantes et effectives contre les abus et ni de contrôle indépendant et efficace.

Le texte qui est proposé n’est pas assez prévisible et détaillé. Tel qu’il est, il risque de déboucher sur une surveillance massive de nos concitoyens.

Il ne propose pas assez de sauvegardes pour encadrer ces mesures restrictives de liberté. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce type de mesures indiquant que les Etats ne disposent pas d’une « latitude pour assujettir les citoyens à des mesures de surveillance secrète au nom de la lutte contre le terrorisme ».

Il est donc essentiel que cette loi soit précise, détaillée et proportionnée au but recherché, que l’intérêt de la France à protéger sa sécurité nationale soit en adéquation avec la gravité de l’atteinte au droit au respect de la vie privée de chaque citoyen.

La France, pays des droits de l’homme, ne peut aller à l’encontre des droits internationaux.

Assemblée générale des nations Unies.
Ainsi, le 18 décembre 2013, une résolution de l’Assemblée générale des Nations-Unies (68/167) qui affirme « le droit à la vie privée à l’ère numérique » a souligné que :« La surveillance illicite ou arbitraire ou l’interception des communications, ainsi que la collecte illicite ou arbitraire de données personnelles, qui sont des actes extrêmement envahissants, portent atteinte aux droits à la vie privée et à la liberté d’expression et pourraient aller à l’encontre des principes de toute société démocratique ».

La France est un pays démocratique qui ne peut méconnaître les droits de l’homme ou leur porter atteinte de manière arbitraire et disproportionnée.

Je renvoie également le gouvernement à se pencher sur l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui énonce que « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation ».


Le respect de la vie privée est un droit humain fondamental essentiel dans une démocratie, notamment une démocratie telle que la nôtre.

C’est la raison pour laquelle, si la lutte contre le terrorisme peut justifier de porter atteinte à certaines libertés individuelles, cela ne peut se faire à n’importe quelle condition.

Aussi, je considère qu'il est indispensable que ce texte soit amendé dans l’objectif d’une coexistence des libertés individuelles de nos concitoyens et de la sécurité de notre pays."

Yannick FAVENNEC.