mercredi 13 janvier 2016

Déchéance de nationalité : Yannick FAVENNEC attend des réponses précises du débat parlementaire



Le gouvernement nous propose de réviser la Constitution pour y inscrire « la déchéance de la nationalité française des binationaux condamnés définitivement pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ».
 
S’il a décidé de passer par la voie de la révision constitutionnelle, c’est parce qu’une telle disposition, adoptée par voie législative, serait certainement frappée d’inconstitutionnalité en ce qu’elle poserait un problème de conformité au principe de la garantie des droits proclamé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

De plus, elle se heurterait à un principe de valeur constitutionnelle qui veut que l’on ne peut priver les Français de naissance de leur nationalité, et serait également en contradiction avec la législation européenne.

Faire d’une loi potentiellement inconstitutionnelle un fondement de notre République me pose quelques interrogations. Ce petit tour d’adresse constitutionnelle me donne l’impression que le président de la République s’assoit un peu vite sur nos principes.

C’est pourquoi, j’attends beaucoup du débat parlementaire du 3 février, et des réponses qui seront apportées à cette occasion, avant de me prononcer définitivement.

Par exemple, je souhaite que le gouvernement nous indique ce qu’il entend par «acte de terrorisme». Il n’existe pas en effet de définition du terrorisme au plan international. Chaque État peut avoir son interprétation propre de cette notion. 



J’aimerais également que la garde des Sceaux nous éclaire sur l’impact d’une telle mesure qui me paraît davantage symbolique et aucunement dissuasive. 

Je  crains que ce dispositif ne monte les Français les uns contre les autres, les binationaux contre les uninationaux. Ce faisant, il  irait dans le sens  de ce que recherchent les terroristes, nous atteindre dans ce qui fait l’essence même de l’identité du peuple français : ses valeurs républicaines !

Par ailleurs, de nombreuses questions pratiques vont se poser et nous ne pouvons pas nous priver de les aborder car une telle décision aura des conséquences vis-à-vis des autres Etats. 

Accepteront-ils que nous exportions nos terroristes après qu’ils aient purgé leur peine sur notre territoire ? Comment réagirons-nous s’ils adoptent la même mesure et nous renvoient un Français déchu de son autre nationalité au motif qu’il a commis un acte de terrorisme ? L’accueillerons-nous ?

Plus que jamais, nous devons prendre le temps de la réflexion et du débat afin de ne pas nous laisser influencer par l’horreur des événements et l’émotion

En effet, la Constitution est la norme suprême de notre République et nous ne devons y toucher qu’avec précaution et parcimonie. 

Pour moi, il faut privilégier l’efficacité sur le symbole et l’unité sur la division.